Vendredis du Vin #63 - La patience c'est pas une fleur ça ?

Grande première pour moi car j'avais vu plusieurs fois passer ces vendredis sans vraiment comprendre de quoi il en sortait. Et c'est Maïlys avec son blog Verywinetrip qui m'a proposé de me lancer dans le bain.
De quoi parlons nous ? Tout simplement d'un rituel antique dont l'origine remonterait à peu près aux temps des illuminatis qui se battaient contre les complots de l'église vaticane et Galilée dans tout ça qui en rajoutait une couche avec sa planète qui tout à coup était ronde et tournait, bref quelque chose d'obscur. En fait, il s'agit tout simplement pour des blogueurs ou non, lors du dernier vendredi du mois, de poster un billet sur un thème choisi par notre présidentE par intérim.
Ce mois-ci comme c'est donc Maïlys qui est derrière les platines et nous a proposé un thème ô combien intéressant : l'éloge de la patience

Effectivement, quoi de plus important que la patience lorsqu'on parle de vin ? Qui n'a jamais été tiraillé devant le fruit de ses achats (souvent compulsifs pour ma part) avec la petite voix qui vous dit d'un ton assurément fier et motivé "non mais celles là ce sont de belles quilles, tu les gardes au moins 10ans"  et l'autre petite voix, vous savez celle qui a des cornes et un trident, vous asséner tout aussi confiante "profite Dude ! la vie est courte, le vin jeune est d'autant plus dynamique, c'est comme une ferrari que tu libères sur une piste de décollage".

Oui mais voilà, il y a ce que l'on veut faire et ce qu'il est physiquement possible de faire. Une cave ça se rempli (et vite !) et vient un moment où il faut faire un choix car la  place n'est pas  extensible. Bon alors on fait quoi me demanderez vous ?  En bien j'ai tranché : je fonctionne par strates : 3 pour être exact.
La première concerne les bouteilles des meilleurs domaines. Là c'est assez simple "je garde" .
La deuxième concerne les  propriétés un cran en dessous en terme de potentiel de garde ou les seconds vins. Je garde ceux là maximum 5 à 7 ans. Enfin la dernière  catégorie : les vins de pays, les vins de copains ou les cadeaux et autres bouteilles déjà vintage. Là c'est la loterie lorsqu'on ouvre. Oui il y a souvent des déconvenues mais je trouve que ça fait partie du charme du vin qu'on ne retrouve pas avec les spiritueux qui avec leurs degrés d'alcool, tiennent la route sans plus jamais bouger pendant des dizaines voire centaines d'années.
Et donc le vin a pour moi, cette particularité, ce côté vivant qui me fait penser qu'absolument aucune bouteille ne sera jamais la même que sa copine d'à côté. Même si les deux sortent de la même barrique. Il suffit d'un rien pour que le vieillissement ne soit pas le même (la bouteille placée plus à droite sur la clayette, un peu trop proche de la porte et donc prend plus la lumière dès qu'on ouvre la porte ? Il s'agit bien d'une histoire que nous raconte chaque bouteille, jeune, vieille, bonne ou non. Et c'est tout ce que j'aime dans le vin. Ce côté vivant . A la manière d'un Cartier Bresson (oui je suis aussi un grand malade de photo) qui attendait des après midis entiers avant de trouver son instant décisif, le vin s'apparente à cet art .

Je passe peut-être 20x par jour devant ma cave vitrée dans mon salon, pleine à craquer (bah oui, la nature a horreur du vide, quand ça descend, ça remplace automatiquement) et pas une seule fois je ne jette un regard sur elle et les culs (de bouteille j'entends) que j'aperçois, je ne me dis que non ce n'est pas le moment d'ouvrir telle ou telle bouteille, RELAX dude ! attends attends et tu seras récompensé.
Et le parallèle à la photographie ne s'arrête pas là. Un cliché s'apparente pour moi à capturer un instant T pour toujours. A peine a-t-on déclenché le miroir que la scène entre automatiquement dans l'histoire puisque déjà passée. Et bien pour le vin c'est pareil. C'est un instantané d'un moment, d'une récolte, d'une vendange, d'un tri, d'un repas de vendangeurs qui ont sué, d'un maître de chais qui a décidé de faire telle ou telle manipulation sur la barrique ou la cuve. Et ce tout, une fois enfermé dans la bouteille, devient historique au sens où l'instant T a été capturé et on a l'occasion comme pour un cliché de pouvoir le voir et le revoir avant de se dire que le moment est venu de l'encadrer ou de déboucher.

Et donc dans tout ça c'est  bien gentil mais je dois tout de même vous faire part de mon cliché vinique que j'ai décidé d'associer à ce vendredi de la patience.

Le choix a été cornélien mais au final je n'ai pas hésité longtemps. Je souhaitais traduire au mieux (d'après mon feeling) la patience. J'ai beau me la jouer avec mes "non mais j'attends j'attends, tout va bien j'attends encore et encore" mais quand on a deux bouteilles d'une même vin, on peut se payer le luxe de repenser la notion de patience. J'ai posé mon dévolu sur cette belle région de Touraine qu'est  Chinon.
Car quand j'ai eu l'occasion d'aller visiter son domaine, j'ai senti que le temps n'avait finalement plus d'emprise sur moi une fois descendu dans la cave. Hors du temps  et donc exit la patience puisque plus de repère. Je tenais donc vous faire partager un verre de Chinon du domaine de la Marinière de
Boris Desbourdes. Sans doute beaucoup d'entre vous qui lirons ce billet, auront déjà eu le plaisir de déguster ses vins. Bien que je sois un inconditionnel de son stock armé qu'est le M16 de 2007, là je suis revenu sur les classiques, les fondamentaux. Le traditionnel Chinon travaillé avec amour des choses bien faites.
C'est charnu, c'est  un mélange au nez de cacao vanillé, de mûres et de cassis.En bouche on aurait presque tendance à se demander pourquoi on a l'impression d'avoir trempé ses lèvres dans de la confiture de fraises fumées. Et le tout avec cette sensation de velours tannique sans excès. Il fallait me faire une idée de ce que pouvait donner ce vin à la garde. Bien que je sache pertinemment que c'est un vin qu'on peut garder facilement 8 à 10 ans, j'ai voulu passer sur le grill, ma première des deux bouteilles afin de bien valider en moi le fait que l'autre serait désormais entrée dans le Panthéon des bouteilles pour les 8 prochaines années.

Et vous, la patience, vous la gérez comment ? Du genre diesel en mode je ne dépasse pas la 1e, on se laisse rouler tranquillement jusqu'à la bonne aire d'autoroute ou plutôt en mode Gordon Gecko de Wall Street, "l'argent ne dort jamais petit"  ? C'est toujours intéressant de confronter les points de vue.

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